• Les Evénements récents

    conception et mise en scène Nicolas Laurent

    "J'ai fait de tout mon mieux pour vous apporter une existence heureuse. Mais en dépit de tout ce que j'ai tenté, une poignée de gens, avec leurs mensonges, ont rendu notre vie impossible". Jim Jones

    Une histoire… vraie

    Jim Jones réunit quotidiennement dans le Pavillon – baraquement qui tient lieu d’agora – le millier d’adeptes qui l’a suivi dans la jungle du Guyana. Depuis plusieurs années, le groupe tente de vivre dans cet endroit en autarcie. Les journées sont rythmées par le travail éreintant, les maigres repas et les sermons interminables de celui qui se fait appeler « Papa ».

    Le spectacle s’articule autour de 3 discours de Jones prononcés lors de cette vie recluse dans la jungle équatoriale. Dans le premier, il rend la justice à sa façon ; un adepte a tenté d’entrer en contact avec sa famille restée aux USA, dénoncé par un « frère », il va subir la colère du chef. Humilié en public et contraint de s’excuser en faisant allégeance au Père , son « jugement » est l’occasion pour Jones de rappeler les règles de la vie en communauté.

    Quelques jours plus tard, lors d’une veillée, Jones va développer sa rhétorique manipulatrice et complotiste. Selon lui, le monde court à sa perte, les armées du monde entier s’affrontent, les scientifiques mettent au point des armes secrètes pour anéantir l’humanité, les grandes puissances mondiales s’accorderaient pour l’éliminer, lui et ses disciples… Une seule solution pour survivre, rester caché dans cette jungle, le seul abri sûr, et respecter à la lettre la discipline du groupe.

    Et enfin, en ce soir du 18 novembre, Jones prononce son dernier discours. Le village vient de recevoir la visite d’une délégation de journalistes et de membres des familles des adeptes. D’abord séduite par la mise en scène du bonheur de cette vie communautaire, la délégation met vite à jour les abus violents du chef, la précarité des conditions de vie et la toute-puissance de Jim Jones. Pour le « révérend », être ainsi démasqué est insupportable. Dans un dernier élan de folie froide, il décrète un « comité de suicide révolutionnaire » et demande à ses adeptes réunis de se donner la mort. On dénombrera plus de 900 morts. Dans sa mégalomanie, et porté par son désir de postérité, Jones enregistre sur une bande tous ses discours, et ce dernier ne fait pas exception.

    Sur cette bande, appelée aujourd’hui « Death Tape », Jones appelle ses adeptes vers la mort dans des propos glaçants et absurdes ; avec eux, le dialogue s’engage sur les possibilités d’échapper à cette solution, sur la nostalgie de leur vie communautaire, sur le sens de la vie… Après le massacre, la bande continue d’enregistrer le silence des corps allongés au sol, seule la musique diffusée par les haut-parleurs du temple résonne dans la jungle…

     

    Distribution

     

    avec Max Bouvard, Nicolas Laurent
    son et vidéo Lois Drouglazet
    production Compagnie Vraiment dramatique avec le soutien de la ville de Besançon de la Région Franche-Comté / coproduction Théâtre de Sartrouville et des Yvelines-CDN Centre dramatique national Besançon Franche-Comté / remerciements Wladimir Anselme, Pierre Pauthier, Chloée Sanchez

    ....

     

    A savoir

     

    Mettre en scène les pouvoirs de la rhétorique
    et de la folie sur les hommes

    J'ai voulu évoquer la question des groupes dits « sectaires ». Au delà de l'aspect parfois folklorique et loin du traitement que peut en faire une certaine presse à sensations, ce sujet cristallise des questions qui nous parcourent aujourd'hui : comment vivre ensemble ? Comment ré-enchanter le monde ? Par quoi et par qui sommes-nous manipulés ? Lorsque j'ai découvert la « Death Tape », dernier discours de Jones, je me souviens de ce sentiment mêlé d'effroi et de fascination ressenti. Effroi, car cette histoire est inconcevable, mille personnes périssent pour avoir cru aux mensonges d'un homme. Fascination, car les talents rhétoriques manipulateurs de Jones – on peut penser à Richard III – sont indéniables, car les mots avec lesquels ils évoquent la menace ou la mort prochaine sont parfois d'une force poétique déroutante, quand on songe au contexte dans lequel ils ont été prononcés ; et car parfois, Jones lâche prise, « décompense » brutalement, semble traversé par des éclairs de lucidité, avant de redevenir victime de sa propre fiction.

    Il y a là quelque chose qui intéresse le théâtre d'aujourd'hui. Créer une fiction collective, la mettre en scène, la porter publiquement devant un auditoire en utilisant la force des mots et des images, et finir prisonnier de sa propre fiction ; ça me semble être l'histoire commune de Jim Jones et du spectacle en train de se faire. à aucun moment nous ne tournons en dérision ce qui s'est passé dans la jungle du Guyana, mais il faut reconnaître que le caractère outrancier de Jones, ou sa mauvaise foi prête parfois à sourire. Nous faisons des allers-retours entre l'histoire de Jones et notre lecture de cette histoire. Le comédien commence par lire le texte à la main, puis va incarner Jim Jones, pour enfin « parler en son nom propre » de son besoin d'ailleurs, de se construire son propre abri loin du monde, loin de Jones...

    C'est aussi un spectacle sur notre hébétude face à cette histoire, sur la difficulté d'en rendre compte, de la comprendre aujourd'hui. Et cette incompréhension, elle peut s'exprimer par le rire, par l'absurde... absurde qu'Albert Camus définissait comme « l'écart insoutenable entre les cris des hommes et le silence déraisonnable du monde ». N.L.

    ....