• Woyzeck [Je n’arrive pas à pleurer]

    d'après Georg Büchner
    texte, adaptation et mise en scène Jean-Pierre Baro

    Un ancien soldat au chômage qui poignarde sa femme. Un travailleur sénégalais devenu militaire puis ouvrier spécialisé chez Dassault. Voici le destin de deux hommes étrangers au monde que Jean-Pierre Baro a choisi d’entrelacer dans une pièce résolument intimiste inspirée de l’œuvre de Büchner et de l’histoire de son père.

    Woyzeck [Je n’arrive pas à pleurer] est une exploration à travers la pièce de Georg Büchner. Le projet est d’entrelacer la tragédie ouvrière de Büchner et un autre texte fictionnel, Je n’arrive pas à pleurer, s’inspirant de l’histoire de mon père, un travailleur immigré, d’abord militaire, puis ouvrier spécialisé chez Dassault, il a construit le Rafale. Il venait d’une ex-colonie française, le Sénégal. Je n’ai jamais vu mon père pleurer. Aujourd’hui, je m’interroge sur cette absence de larmes.

    A travers la confrontation et l’agencement des fragments fictifs de Büchner et de l’histoire d’un prolétaire déraciné, je désire aborder les thèmes de la dislocation culturelle, la sensation de sans-abri, sans patrie, et la suppression d’émotion. Raconter à travers Woyzeck l’histoire d’un ouvrier immigré, sans tomber dans une dénonciation ou un jugement moral et politique qui réduisent la dimension universelle, trans-idéologique et intemporelle de la pièce. Ce qui m’intéresse, c’est d’en parler par les larmes, c’est-à-dire au-delà des larmes. Comment le soldat Woyzeck peut-il être personnifié dans le monde aujourd’hui ? Comment l’histoire et la littérature dialoguent-elles avec le récit personnel ? Jean-Pierre Baro

     

    Distribution

     

     

    avec Simon Bellouard, Cécile Coustillac, Adama Diop, Elios Noël, Philippe Noël, Sabine Moindrot, Tonin Palazzotto
    traduction de Jean-Louis Besson, Jean Jourdheuil
    collaboration artistique Franck Gazal
    son Loïc Le Roux
    lumière Bruno Brinas
    vidéo Vincent Prentout
    scénographie, costumes Magali Murbach, Jean-Pierre Baro
    production Extime Compagnie / coproduction CDN Orléans-Loiret-Centre / avec l'aide à la production d'Arcadi / en partenariat avec Le Monfort, la Passerelle-Scène nationale de Saint-Brieuc, Théâtre de Cornouaille-Scène nationale de Quimper / avec le soutien : Ministère de la culture et de la communication-DRAC Île-de-France, Adami, Ecole nationale supérieure d'art dramatique de Montpellier, La Ferme du Buisson-Scène nationale de Marne-la-Vallée, Théâtre Paul-Eluard-Choisy-le-Roi, Mairie de Paris, Bureau FormART /action financée par la Région Ile-de-France

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    A savoir

     

     

    Une pièce de théâtre face à un témoignage

    Johann Christian Woyzeck, ancien soldat, fabricant de perruques et coiffeur sans emploi poignarde son amante Christiane Woost, une veuve âgée de 46 ans. Il est condamné à mort. Son exécution publique a lieu le 27 août 1824 sur la place du marché de Leipzig. Georg Büchner est parti d’un fait divers, une réalité historique, un personnage réel, pour construire sa fiction. Je désire partir de cette fiction pour aller vers le réel, ou du moins ce que je nomme le réel et qui n’est en fin de compte que la perception subjective de l’histoire de mon père. Travailler sur la porosité entre fiction et réel m’inspire et me passionne. Cette « porosité » est au cœur de la direction d’acteurs et de la mise en scène. J’ai écrit Je n’arrive pas à pleurer, texte issu d’un entretien réalisé auprès de ma mère. Je l’ai interrogée sur l’histoire de mon père, et croyant écrire un texte sur lui, au fur et à mesure des entretiens et de leurs retrans-criptions, je me suis aperçu que le sujet de ce texte est la mémoire, le rapport d’une femme à son passé, au souvenir d’un homme. Quel rapport entretenons-nous avec nos proches disparus ? Comment dire à quelqu’un qui n’est plus là ce que le temps ne nous a pas permis de lui livrer avant ?

    De Shakespeare, en passant par Ibsen jusqu’à Fosse, le théâtre nous offre la possibilité d’honorer les morts, de faire apparaître des gens qui ne sont plus là et de dialoguer à nouveau avec ces absents/présents à travers leur évocation. Sur scène, une seule interprète porte ce texte et voyage dans la fiction Woyzeck. Comme nous, elle est témoin de cette histoire tout en nous livrant la sienne. Woyzeck est avant tout une histoire d’amour et la première tragédie prolétaire, son style est direct, elliptique, débarrassé d’explication psychologique, tout en étant à la fois une plongée vertigineuse dans les gouffres de l’âme humaine. Il faut l’ouvrir à coup de couteau. Pénétrer dedans, investir son territoire pour y reconnaître peut-être sa propre histoire. La mise en scène oscille entre fiction et réel sur ceux qui, comme Büchner, se sentent étrangers, déracinés, dans l’incapacité de composer avec le monde. Dans une démarche proche du montage cinématographique. Je n’arrive pas à pleurer agit comme un écho, comme lorsque l’on compare deux photographies d’un même thème, qu’une chose met en lumière une autre, et vice versa. Il s’agit de ne pas réduire la pièce à une seule idée, mais de l’explorer à travers une intuition personnelle, mettre en scène Woyzeck comme on désire une rencontre, pour faire émerger un théâtre sensible et lucide à la fois. J.-P. B.

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