En France, 80 % des poules pondeuses sont élevées en batterie. Pourquoi une poule serait-elle plus heureuse de se satisfaire de ses 750 cm2 d’espace de vie réglementaires (soit à peine plus d’une feuille A4) que Bill Gates, l’un des hommes les plus riches du monde, de ses 1 750 m2 ? Qui, de l’œuf ou de la poule, a les conditions de vie les plus enviables ? Comment en arrive-t-on, en France, à manger près de 230 œufs par an ?
Chaussé de bottes blanches en caoutchouc et arborant sa plus belle cravate, le professeur Rouger déploie ses connaissances béton et ses raisonnements absurdes. Dans cette conférence-spectacle aux allures très scientifiques, le spécialiste part du principe que les poules ont un libre-arbitre et, par conséquent, qu’elles choisissent leurs conditions de vie. Avec son humour décapant, l’auteur-interprète rencontre le succès partout en France depuis la création en 2014 de ce spectacle tout-terrain, qu’il prend plaisir à aiguiser au fil du temps, pour le rendre toujours actuel. Depuis son apparition, il y a 10 000 ans, jusqu’à aujourd’hui, la poule domestique a beaucoup à nous dire…
Comment porter les voix de ces centaines de Français·es, anonymes, oublié·es et délaissé·es par le gouvernement de Vichy ? Comment les incarner ? Julie Bertin et Jade Herbulot nous plongent au cœur de ces drames intimes qui se sont joués pendant la Shoah en France. Convaincu·es de l’injustice de leur sort, des centaines de juifs et juives écrivent au maréchal Pétain pour lui demander la libération de leurs proches ou le droit d’exercer leur métier. Implacable, l’administration répond systématiquement par fin de non-recevoir.
Sur le plateau, quatre actrices et acteurs de plusieurs générations portent ces bouleversants fragments de vie. Le théâtre comble les creux laissés par l’Histoire et tricote le fil de la réalité avec celui de la fiction. Le hors-champ de ces lettres s’invente sous nos yeux et la vie jaillit, à hauteur d’humain. Reconnues depuis près d’une décennie pour leurs spectacles tissant récits politiques, historiques et intimes, Julie Bertin et Jade Herbulot font de nos héritages historiques une matière sensible. Elles font résonner avec une grande puissance les voix du passé et font émerger les questions que celles-ci nous posent aujourd’hui dans toute leur acuité.
Ils et elles mettront à l’honneur la mémoire de Toussaint Louverture, esclave affanchi, général et homme politique qui proclama, en 1801, l’indépendance de Haïti, ainsi que l’œuvre de Maryse Condé, écrivaine et journaliste guadeloupéenne disparue en avril 2024, de Gerty Dambury, d’Aimé Césaire, de Frantz Fanon, Pierre Gope et d’autres.
Comment décrire le sentiment de vulnérabilité, de découragement ou l’espoir qui peut naître face aux crises écologiques ? Mariant habilement la danse gwoka traditionnelle avec des éléments contemporains et techno-logiques, Léo Lérus s’inspire des traditions de sa terre natale pour créer une composition chorégraphique. La question d’équilibre et de déséquilibre qui se pose dans cet écosystème constitue la colonne vertébrale du spectacle.
Formé par Léna Blou, Léo Lérus a affine sa danse avec des chorégraphes de premier plan de la scène internationale, comme Wayne McGregor, Ohad Naharin ou encore Sharon Eyal. Il affirme une fois de plus la physicalité de ses créations et se nourrit d’une recherche sensible de l’évolution identitaire et culturelle guadeloupéenne.
Le son de Delgres s’approche de plus en plus de celui de The Black Keys ou de Hanni El Khatib, bastonnant comme sous hypnose des grooves telluriques et des blues trans-atlantiques ravageurs, toujours en instabilité géographique, entre la Nouvelle-Orléans, les Antilles, le Mississippi, la France et les Caraïbes. Au cœur même de leur musique, la même intensité, la même force brute qui continue à raconter et témoigner pour bâtir le récit d’un monde marqué par le déracinement. Une quête d’identité et un regard définitivement empreint des racines guadeloupéennes de son leader Pascal Danaë, Delgres ne renonce à rien et poursuit son odyssée vers les émotions pures.
Parfois, il n’y a pas besoin de prendre un avion pour partir à l’étranger. Armé d’une caméra, de divers instruments et de ses micros, Chassol explore la culture martiniquaise. Il filme et enregistre des rencontres, des scènes de la vie quotidienne ou encore l’effervescence du carnaval martiniquais. Son carnet de voyage est transcrit en musique aux couleurs surréalistes.
Alliant sonorités classiques et électroniques, il transforme tout en musique : du chant des oiseaux à la voix de Mme Etienne Lise sur le marché ou encore des chants créoles, à mi-chemin entre les ritournelles pianistiques de Sébastien Tellier et les B.O. de Vladmir Cosma. Une véritable invitation au voyage !
« Mes enfants sont tous nés au Canada, alors si je ne suis pas un Canadien du passé, je suis un Canadien du futur », me disait Saïd, chauffeur de taxi canadien immigré de Syrie. Dans mon cerveau de fils d’immigré algérien, cette phrase provoqua un cataclysme. Si on avait qualifié l’adolescent que j’étais dans les années 80 de « français de futur » plutôt qu’immigré de deuxième génération, est-ce que cela n’aurait pas tout changé, et aujourd’hui encore pour nos enfants ? Faisons le pari que oui et œuvrons ensemble à raconter nos histoires de Français·es du futur. Fils ou filles de parents d’origine bretonne, auvergnate, de Paris ou des Comorres, de parents sénégalais, magrébins, portugais, ou vietnamiens…
Racontons nos histoires, nos musiques, apportons nos couleurs, nos saveurs, nos mots, nos corps. Dansons, chantons, écrivons, jouons ensemble à composer le puzzle de notre culture commune. Tout au long de la saison, nous vous invitons à collaborer au grand projet participatif Français·es du futur #2. Avec des artistes expérimenté·es, donnez libre cour à vos envies de pratiques artistiques en participant aux ateliers d’écriture, de peinture-scénographie, de danse, de théâtre, de vidéo, de chanson… Ensemble, nous écrirons un spectacle aux couleurs de notre territoire, puis nous le présenterons dans la grande salle pour célébrer notre identité citoyenne.
Euphorie des radios libres, grèves historiques des usines automobiles, Marche pour l’égalité et contre le racisme, arrivée de François Mitterrand au pouvoir, et aussi désillusions et rigueur économique, montée en puissance des idéologies d’extrême-droite. Après un long travail d’enquête et de rencontres avec des personnalités essentielles de cette période, Margaux Eskenazi et Alice Carré plongent dans l’extraordinaire foisonnement des événements.
Comme Et le cœur fume encore présenté au Théâtre en 2023, 1983 continue à ausculter le passé pour mieux questionner notre monde contemporain. De quels récits avons-nous hérité ? Comment témoigner de l’opacité, de l’oubli, de nos héritages et de nos luttes ? Avec une énergie débridée, huit comédien·nes jouent tous les rôles, de tous les âges, de tous les genres, de toutes les couleurs de peau. Dans un grand bouillonnement intersectionnel, renaît la puissance d’une époque. Au cœur de l’intime et du collectif, la troupe questionne joyeusement les récits que nous souhaitons écrire au présent, pour notre futur.
Faut-il déboulonner les personnages qui nous encombrent aujourd’hui ? Faut-il continuer à mettre en scène Dom Juan, alors qu’il incarne toutes les valeurs patriarcales, sexistes et violentes que notre époque ne peut plus accepter ? David Bobée s’empare du texte de Molière pour en faire un spectacle d’une modernité saisissante. Il dévoile avec une grande clairvoyance les mécanismes de violence mis en place par Dom Juan pour parvenir à ses fins, au détriment de ses victimes.
Fervent défenseur de la diversité sur les plateaux, le metteur en scène et directeur du Théâtre du Nord à Lille rassemble une distribution d’actrices et d’acteurs grandioses et magnétiques, originaires des quatre coins du monde. Véritable faiseur d’images, David Bobée signe un Dom Juan généreux et flamboyant, qui a reçu en 2023 le prix du Syndicat de la critique pour sa scénographie. Les immenses statues de pierre deviennent bientôt un champ de ruines où s’achève le règne de Dom Juan, qui emporte avec lui les derniers reliquats du patriarcat. Loin des stéréotypes, le metteur en scène plonge dans les profondeurs crépusculaires de cet antihéros tout droit sorti d’un temps révolu. Las de toutes les formes de domination, David Bobée nous fait une majestueuse promesse de renouveau.