Immaqaa, ici peut-être

Grande figure du cirque contemporain et trampoliniste de formation, Mathurin Bolze propose depuis plus de deux décennies des spectacles singuliers et fabuleux. La prouesse technique y rencontre la parole, les textes littéraires et les réflexions philosophiques y nourrissent le travail, la pensée y répond au corps dans le mouvement. De création en création, Mathurin Bolze déroule le fil d’une recherche généreuse et réjouissante.

Depuis Les Hauts Plateaux, au succès retentissant, il poursuit ses rêveries sur les mondes qui tanguent. Pour Immaqaa, il s’est rendu dans les terres arctiques, déserts de glace, de lumière et de brouillard, premières à subir, loin de nos regards, les impacts de l’être humain sur l’environnement. Immaqaa, qui signifie « peut-être » en langue inuite, explore le Nord magnétique. Celui qui guide nos existences, alimente nos paysages réels ou fictifs, aiguille nos quêtes de sens. Sur le plateau, une forme immense et blanche comme la glace compose, décompose et recompose sans cesse l’espace. Une demi-douzaine d’acrobates arpentent cette géographie, partagent les fabuleux récits d’aventures qui la peuplent. En équilibre précaire sur l’incertitude du monde présent, ces artistes font surgir de la banquise une magie lumineuse.

Le Garçon à la valise

Nafiet Krysia n’ont ni origine spécifique ni religion. Là n’est pas la question. Ces jeunes gens ressemblent à de nombreux enfants d’aujourd’hui en Syrie, au Tchad, en Afghanistan, en Ukraine ou ailleurs. Le point de départ ? Il était une fois une guerre. Une vie d’aventures qui parle de l’exode, de la terre que l’on quitte avec ses rêves de paix et de liberté chevillés au cœur, ainsi que du pays qui accueille. Une question de plus en plus urgente, de plus en plus complexe, qui peut aussi être source de richesses, de réflexions et de promesses à tenir pour soi-même d’abord.

Cette pièce interroge la puissance des histoires, celles entendues par Nafi durant son enfance, et qu’il pourra transmettre à son tour, des histoires qui aident à faire face à la réalité. C’est tout cela que nous raconte Mike Kenny dans cette œuvre, découverte par Odile Grosset-Grange en 2014 et qu’elle a voulu mettre en vie à sa façon. Une alchimie réussie entre la poésie de l’auteur britannique de pièces destinées au jeune public et la fantaisie, la lucidité joyeuse d’Odile Grosset-Grange – artiste associée – qui fait la démonstration de la puissance salvatrice du théâtre.

Mon petit cœur imbécile

Rendez-vous le 28 octobre, à 6 h, dossard 953. Maswala s’apprête à courir un marathon pour payer l’opération qui pourrait sauver son fils. Car Akil a 9 ans et il sent son petit cœur qui bat si mal. De toute sa force vitale, la mère embrasse l’espoir de redonner à ce petit cœur imbécile un rythme régulier.

Directeur des Tréteaux de France, Centre dramatique national itinérant, Olivier Letellier s’attache depuis plus de vingt ans à raconter au jeune public des histoires qui parlent de notre monde à travers des formes singulières qui mélangent théâtre, danse et cirque. Il a reçu en 2010 le Molière du spectacle jeune public pour Oh Boy !. Inspirée par le popping, le voguing ou encore la house, la jeune danseuse de hip-hop Fatma-Zahra Ahmed porte avec une grande sensibilité le combat de cette mère ordinaire et héroïque. Le duo déploie une énergie unique pour nous embarquer dans cette histoire puissante et universelle, qui refuse la fatalité et fait de l’espoir le moteur de la vie.

Par la mer (quitte à être noyées)

Comment vivons-nous avec celles et ceux qui ne sont plus là ? Quelle place leur laisse-t-on ? L’autrice et metteuse en scène Anaïs Allais Benbouali fait cohabiter les mort·es et les vivant·es. Dans une maison qui prend l’eau, Houda, Max et Assia apprivoisent leurs fêlures, dialoguent avec leurs vulnérabilités. Le ressac des marées fait remonter à la surface leurs questionnements les plus intimes.

Au plus proche de ses personnages, Anaïs Allais Benbouali révèle l’extraordinaire de ces vies ordinaires. Remarquée pour ces dernières créations Au milieu de l’hiver j’ai découvert en moi un invincible été ou Lubna Cadiot (x 7) et soutenue par le Théâtre de la Colline, l’autrice franco-algérienne s’attache à tracer des lignes entre les deux rives de la Méditerranée. Ici, c’est Houda qui a quitté le Maroc, pleine d’espoir. Elle débarque dans la maison que Max a achetée, car, au bled, on lui a indiqué qu’elle y trouverait refuge. Dans ce huis clos inattendu aux fulgurances oniriques, ces femmes de trois générations revisitent leur mémoire enfouie. L’écume y fait singulièrement bouillonner les questions de l’exil, de la perte, de l’hospitalité et de la transmission.

Secrets de Beatmaker

D’où viennent les premiers sons électroniques et les premiers synthétiseurs ? Comment le détournement du lecteur de bande magnétique et du vinyle a-t-il fait évoluer la musique ? Comment l’informatique a-t-elle révolutionné la création artistique ? Et qui sont ces beatmakers après tout ? À travers le récit de leur rencontre à l’âge de 13 ans, ces « faiseurs de sons » vont tour à tour égrener les choix qui les ont conduits à intégrer la grande famille des beatmakers : le goût des sons, l’art du bidouillage méthodique, celui d’apprivoiser des machines parfois récalcitrantes, jusqu’à l’expérience réjouissante des premiers dancefloors. Oscillant entre compositions originales et reprises de grands classiques (Daft Punk, Kraftwerk, The Who…), le groupe retrace l’histoire de la musique électronique, de ses instruments, de ses genres et de ses techniques, plongeant le public dans un monde aux sonorités étranges. Créations et reprises se succèdent ainsi avec la participation des enfants (et des adultes) !

Groupe franco-britannique bercé par Metronomy et Gorillaz, et plus récemment par Parcels et Tame Impala, Photøgraph délivre une musique entêtante et sensible. À l’aide de leurs synthétiseurs, ordinateurs, pads électroniques et autres gadgets dont ils dévoilent les mystères, ils invitent petit·es et grand·es à une expérience musicale immersive, feel good, et drôle !

White Dog

L’intrigue se déroule dans l’Amérique des années 60. Martin Luther King vient d’être assassiné et la communauté noire lutte sans relâche pour la défense de ses droits civiques. C’est dans ce contexte violent que le couple Romain Gary et Jean Seberg recueille un chien abandonné, Batka. L’animal, d’apparence si douce et affectueuse, n’est pourtant pas un chien ordinaire. Autobiographique aux sonorités jazz afroaméricaines, White Dog nous invite à réfléchir à la question de la violence dans nos sociétés. Comment réapprendre l’humanité ?

R.A.G.E.

Dans R.A.G.E., Camille Trouvé et Brice Berthoud nous livrent le récit d’une belle imposture. Il s’agira de démasquer un homme qui, pour échapper à la censure, s’invente une nouvelle identité et manigance l’une des plus belles supercheries du siècle dernier. Saurez-vous le reconnaître ? Deux manipulateurs, un bruiteur, une chanteuse, un trompettiste, un homme de l’ombre, des jeux de lumière et pas moins de vingt marionnettes à taille humaine tissent l’intrigue, portée par une dramaturgie virtuose.

Pourquoi les poules préfèrent être élevées en batterie

En France, 80 % des poules pondeuses sont élevées en batterie. Pourquoi une poule serait-elle plus heureuse de se satisfaire de ses 750 cm2 d’espace de vie réglementaires (soit à peine plus d’une feuille A4) que Bill Gates, l’un des hommes les plus riches du monde, de ses 1 750 m2 ? Qui, de l’œuf ou de la poule, a les conditions de vie les plus enviables ? Comment en arrive-t-on, en France, à manger près de 230 œufs par an ?

Chaussé de bottes blanches en caoutchouc et arborant sa plus belle cravate, le professeur Rouger déploie ses connaissances béton et ses raisonnements absurdes. Dans cette conférence-spectacle aux allures très scientifiques, le spécialiste part du principe que les poules ont un libre-arbitre et, par conséquent, qu’elles choisissent leurs conditions de vie. Avec son humour décapant, l’auteur-interprète rencontre le succès partout en France depuis la création en 2014 de ce spectacle tout-terrain, qu’il prend plaisir à aiguiser au fil du temps, pour le rendre toujours actuel. Depuis son apparition, il y a 10 000 ans, jusqu’à aujourd’hui, la poule domestique a beaucoup à nous dire…

Une maison de poupée

Une petite ville de Norvège, en 1879, un peu avant Noël. Nora quitte mari, foyer et enfants pour vivre sa vie comme elle l’entend. Incroyablement en avance sur son temps, Ibsen signe avec Une maison de poupée le portrait d’une femme en quête de liberté.

Avec toute la puissance visuelle de son théâtre, la metteuse en scène et marionnettiste norvégienne s’empare de l’histoire de Nora, qu’elle monte en racontant sa propre histoire des années après les faits. Dans un paysage mental semblable à une toile d’araignée en extension perpétuelle, elle traduit le combat intime de cette femme avec les forces qui la dépassent. êtres humains et pantins à taille humaine se confondent et créent le trouble, donnant à l’art de la marionnette et de la manipulation une place centrale dans la dramaturgie. Salués partout dans le monde, les spectacles de Yngvild Aspeli nous conduisent sur les crêtes d’un univers singulier hanté par l’inquiétante étrangeté des oeuvres les plus passionnantes. Dans ce monde tout à la fois effrayant et fascinant fait de mensonges et de carcan social, la metteuse en scène suspend le temps. Les vivant·es et les fantômes se côtoient, les êtres humains et les marionnettes se toisent, le réalisme et l’illusion s’entrechoquent.

Misericordia

L’œuvre prolifique d’Emma Dante sublime le théâtre de l’intime. Elle s’inspire d’histoires réelles pour réfléchi sur le mal-être de la société et dénoncer la violence et l’ignorance qui en émanent. Trois prostituées et un garçon infirme vivent dans un appartement d’une seule pièce, sale et misérable. La journée, elles tricotent, et dès la nuit tombée elles offrent leurs corps aux passants. Arturo est l’orphelin de leur sœur de trottoir, morte en couche. D’une étrangeté attachante, il est devenu le fils de chacune. Tous les soirs, à la même heure, il regarde passer la fanfare en rêvant de jouer de la grosse caisse. Et dès la première note, comme un pantin désarticulé, le gamin s’élance dans une danse flamboyante. Victimes de la misère sociale et unies par l’affection qu’elles portent à l’enfant solitaire, Anna, Nuzza et Bettina bataillent contre leur condition et la violence des hommes.

Dans un tourbillon d’émotions et de scènes burlesques, cette pièce, d’une puissance rageuse, déclame haut et fort que la pauvreté n’empêche pas l’amour. Éclats de voix et éclats de rire, tendresse et colère s’entremêlent pour nous offrir un puissant moment d’humanité. Succès du Festival d’Avignon en 2021, Misericordia, qui vient des mots « misère » et « cœur » en italien, est une magistrale ode à la solidarité féminine.