Artiste protéiforme, Oliva Ruiz a bien changé depuis sa première apparition sur nos petits écrans. Vingt ans – et presque autant de « tubes » – plus tard, l’artiste plonge dans la profondeur de ses origines espagnoles et l’exil subi par ses trois grands-parents. En 2020, elle a livré ce récit intime dans un livre devenu best-seller, La Commode aux tiroirs de couleurs. Le spectacle Bouches cousues en est à sa manière un prolongement.
L’artiste puise dans le répertoire espagnol les textes et mélodies imprégnés de cette mémoire et de ces émotions encore brûlantes. Elle y parle du déracinement de ceux qui ont fui la guerre civile et la dictature franquiste, évoque le poids des secrets, revendique haut et fort « le droit de savoir » d’où elle vient pour savoir où elle va. Entourée de quatre musiciens, elle porte avec autant d’intensité les chants révolutionnaires (Ay Camela !), les morceaux empreints de tendresse et de nostalgie, tels que Porque te vas, Piensa en mi et Volver, et les extraits de son propre répertoire. Aux murs, des projections d’images d’archives et des citations de Pablo Neruda ou Boris Cyrulnik viennent donner tout leur sens aux paroles. Un concert magnifique en forme de quête identitaire.
Dans un petit village de Chine, blotti au pied d’une haute montagne abritant son protecteur le Dragon de glace, Heï Maï Li fait le bonheur des habitants. Dans la poche de son tablier, nulle baguette magique mais des ciseaux d’argent et du papier! Avec ses doigts de fée, elle plie, replie, coupe et découpe, jusqu’à faire naître un monde coloré, peuplé d’animaux et de fleurs rêvés, sous les yeux émerveillés des enfants. La rumeur se répand ainsi qu’Heï Maï Li peut «tout faire» avec ses ciseaux d’argent, tant et si bien que sa renommée grandissante parvient jusqu’aux oreilles de l’Empereur, à la volonté de puissance insatiable… Une nuit, Heï Maï Li est emprisonnée dans la plus haute tour du palais: «Je t’ordonne de fabriquer des diamants, des dizaines, des centaines, des milliers de diamants! Tu ne sortiras pas d’ici avant que ce coffre ne soit plein!» Dans la tourmente, Heï Maï Li n’est pas seule. Le Dragon de glace veille…
Un théâtre d’ombres et de papier comme un cocon aux couleurs de l’enfance, pour partager un doux moment de poésie en famille !
En mars 2020, tout s’est arrêté. Mais certainement pas la création théâtrale ! Né en plein confinement avec comme matériau de base des interviews réalisées via écrans interposés, ce spectacle performatif de Mohamed El Khatib mêle le jeu et la réalité, l’intime et la fiction. Qui étaient nos parents avant d’être parents ? Qui sont ces personnes que nous n’avons pas connues et qui nous ont ensuite tout appris ?
Le metteur en scène interroge les notions de transmission entre deux générations, de mémoire et d’héritage, contre ou avec lequel on se construit. Au travers de photos de mariage, de messages téléphoniques ou encore d’anecdotes de vie s’édifie une pièce chorale qui dépeint la réalité de la relation parents-enfants d’aujourd’hui. Sur un plateau quasi nu, les élèves de la promotion 10 de l’école du TNB ne se contentent pas de décrire et de raconter ceux qui les ont élevés. Ils les incarnent aussi, les caricaturent parfois, portant sur eux un regard tendre et cruel. Leurs confidences nous touchent avec légèreté et justesse.
XXVe siècle, Neuvième Révolution scopique : nous voilà plongés dans un monde où l’on décharge ses souvenirs dans des coffres-forts numériques reposant au fond de l’océan pour permettre, une fois que la mort de l’enveloppe corporelle survient, leur téléchargement dans le corps d’un autre. Chaque disparu peut ainsi être « rappelé » par ses proches et réintégrer le monde des vivants. Véronique M., inconsolable depuis la perte de son mari Sam, va tenter de retrouver l’amour de sa vie…
Troisième spectacle de Tiphaine Raffier, France-fantôme est à la fois une œuvre d’imagination, une dystopie et une histoire d’amour et de chair. Une pièce dont la construction narrative, la réflexion qu’elle inspire et la maîtrise du suspense évoquent les chefs-d’œuvre de la science-fiction. L’intime et les sentiments se mêlent à une technologie poussée à l’extrême pour nous mettre face à des questions profondes : À quoi sert le cerveau humain quand sa mémoire est externe ? Comment aimer sa femme avec les bras d’un autre ? Dans une société hypermnésique, l’art est-il encore utile ? Avec neuf acteurs et musiciens sur scène, Tiphaine Raffier relève haut la main le défi d’amener la science-fiction sur un plateau de théâtre.
Le spectacle interroge la fascination collective autour des crimes, des récits que l’on s’en fait et de la façon dont ils irriguent la fiction. Qu’est-ce que la production médiatique et culturelle raconte de notre société ? À sa manière, absurde et décalée, le collectif Mind The Gap répond à cette question en imaginant un spectacle composite, fabriqué avec des références cinématographiques et quelques litres de faux-sang, dans un jeu de massacre qui joue avec les attentes du public. Le spectacle est construit autour de deux univers fictionnels qui se répondent. La première partie est traitée comme une fiction radiophonique bruitée en direct par les interprètes. Les sons y activent un imaginaire collectif, celui de la forêt, de la nuit, des histoires racontées au coin du feu. La seconde est une scène de meurtre qui se déroule dans une cuisine, à la manière du film Scream, répliquée ad nauseam en de multiples variations tandis que se dévoile peu à peu la mécanique de cette fabrique artisanale du meurtre.
“Vous m’avez tuéR”. Une nuit, Mattéo, 14 ans, laisse un message sur les réseaux sociaux avant un inquiétant silence. Deux jours après, la police intervient au collège et interroge Noa, interne de la chambre 109. Témoin principal ou suspect, Noa devra répondre de ses actes, lui qui dit n’avoir rien fait. Conçu à la manière d’un jeu de piste impliquant plusieurs acteurs du collège, Seuil joue sur différentes temporalités pour reconstituer les pièces du puzzle.
L’autrice Marilyn Mattei a imaginé cette histoire après qu’un principal lui a fait part d’une série d’agressions sexuelles entre garçons survenue dans son établissement, perçue par beaucoup – notamment le père de l’un des bourreaux – comme un simple jeu. Par la fiction, Seuil questionne le consentement et la façon dont le modèle viril contemporain, marqué par la violence, se construit encore à travers des rites de passage.
Chez Abraham Réunion, la danse créole flirte avec la chanson, le scat avec l’impro, la mazurka avec les congas. Étoile montante de la nouvelle scène jazz française, le groupe réunit trois frères et sœurs : Cynthia au chant, Clélya au piano et Zacharie à la contrebasse. Ensemble, ils déploient un univers aussi foisonnant que réjouissant, au carrefour des cultures caribéennes, jazz et classiques. Invité par le trio, le maestro Arnaud Dolmen enveloppera à la batterie les titres aériens, feutrés et profondément ancrés dans la tradition africaine de cette première partie.
Au programme du second plateau, le pianiste et compositeur Grégory Privat nous régalera de ses mélodies puissantes et lumineuses, entre acoustique et électro, entouré de ses fidèles partenaires Chris Jennings à la contrebasse et Tilo Bertholo à la batterie. Son jeu l’a imposé, en six albums et de nombreuses collaborations avec des artistes internationaux, comme l’un des musiciens les plus vibrants de sa génération. Ce natif de la Martinique, fils du pianiste du groupe antillais Malavoi, imprègne sa musique de culture créole, de spiritualité et d’une sensibilité à fleur de peau, que viendront sublimer les percussions de Boris Reine Adelaide, invité exceptionnel du trio.
En quarante ans de carrière, il a créé des formations devenues mythiques, distillé les envolées nerveuses de ses claviers aux côtés des plus grands instrumentistes, et il n’en finit pas de se réinventer. Maître incontesté de l’orgue Hammond, Emmanuel Bex sera également le maître de cérémonie de cette soirée. Avec son fameux Bex’tet, trio orgue-guitare-batterie, l’artiste arpente dans son dernier disque les chemins du blues, plongeant son swing inimitable et son tempérament volcanique dans la couleur bleue. Pour nous permettre d’en savourer toutes les nuances, le trio s’entoure de la chanteuse et guitariste afro-américaine Natalia M. King et du chanteur tchadien Abdoulaye Nderguet. La première, New-Yorkaise d’origine dominicaine, promène depuis vingt ans son timbre captivant, son deep blues, ses ballades soul et ses accents folk sur la scène internationale. Le second, considéré comme l’une des plus belles voix du Tchad, fait surgir l’âme du blues du fond de ses racines africaines, égrenant de sa voix puissante les chants de séduction, de révolte ou d’ironie. Ensemble, ils nous feront voyager à travers tous les métissages de cette musique profondément libre qui, il y a plus d’un siècle, enfanta le jazz.
Comment les événements récents nous ont-ils impactés et transformés ? Ils sont douze danseurs, hommes et femmes, à avoir puisé dans leur intériorité et leurs émotions pour répondre à cette question. Vêtus de costumes couleur terre brûlée, ils évoluent sur un plateau nu ciselé de lumières, enveloppé de musiques aux influences techno, classique ou atonale. De l’ombre à la lumière, de la transe à l’extase, de la solitude à la communion, ils ont créé avec Josette Baïz les différents tableaux chorégraphiques de ce spectacle en forme de renaissance.
En 1992, Josette Baïz créait la compagnie professionnelle Grenade, quelques années après avoir fondé le groupe éponyme, composé d’enfants et d’adolescents. Parmi les danseurs de Phoenix, certains ont cheminé depuis leur enfance aux côtés de la chorégraphe, qui les a nourris de son propre univers artistique, tout en intégrant la culture apportée par chacun : orientale, asiatique, africaine ou urbaine. L’esprit d’ouverture, de partage et de recherche collective a ainsi forgé un répertoire riche d’une quarantaine de spectacles joués sur les plus grandes scènes de France. Un métissage unique qui renforce toute la beauté de Phoenix.
Isabelle a 7 ans, elle parle et crie trop fort, connaît Mozart par cœur, bouillonne de désirs et laisse exploser ses révoltes. En réalité, Isabelle a 45 ans. Sa différence bouleverse, embarrasse et dérègle la vie bourgeoise de ses parents. Autour d’elle, lors des retrouvailles du week-end à la campagne, les ombres du passé resurgissent et les failles intimes se révèlent.
Joachim Latarjet poursuit le travail d’exploration de sa mythologie familiale. Après avoir raconté l’exil maternel et l’arrachement à ses origines grecques, il plonge dans les tempêtes intérieures d’une famille confrontée au handicap, celui de sa tante Isabelle. Alexandra Fleischer incarne celle qui fut une force de la nature, extraordinaire de vivacité et d’énergie, aimée de tous… même si on l’aurait voulue plus transparente, plus normale. Le metteur en scène puise la force de son théâtre dans la matière des souvenirs, l’expression à fleur de peau des émotions et la liberté grisante d’une musique, omniprésente, interprétée et chantée avec ses cinq partenaires de jeu. Cette musique, qui était la passion d’Isabelle et de ses parents, reflète à elle seule la recherche fragile d’harmonie de cette famille au cœur éclaté.