• L’Institut Benjamenta

    d’après Robert Walser
    mise en scène Bérangère Vantusso
    [Ensemble artistique]

    L'Institut Benjamenta est un conte qui s'ancre subtilement dans le réel : une école de garçons dans laquelle on forme des domestiques. Un monde où l’obéissance pure deviendra la plus grande des transgressions.

    Jacob Von Gunten est fils de bonne famille, rien ne le prédestine à entrer à L’Institut, c’est une démarche volontaire, une forme de renoncement. Obéir sans discuter est une discipline du corps et de l’âme qui lui procure de curieux plaisirs. Sans le vouloir, il déstabilise l’autorité car le plaisir qu’il éprouve à devenir un « beau zéro tout rond » se transforme en transgression. Révolté Jacob ? Non. A l’écart, naïf et délicatement subversif comme un enfant qui n’aurait rien perdu de sa spontanéité radicale.

    Bérangère Vantusso installe dans cette micro-société ses marionnettes hyperréalistes pour interroger la dialectique du maître et de l’esclave. Ce conte mystérieux a été présenté au Festival d’Avignon 2016.

    « Du reste il y a beaucoup, beaucoup d’esclaves, parmi nous autres hommes modernes orgueilleusement prêts à tout. Peut-être sommes-nous tous quelque chose comme des esclaves, dominés par une idée universelle grossière, irritante, toujours en train de brandir son fouet. » R. Walser

    Marionnettes Théâtre
    Grande salle numérotée | 1H45
    • mar. 22 nov. 16 : 20h30
    • mer. 23 nov. 16 : 20h30
    • jeu. 24 nov. 16 : 19h30
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    Distribution

     

    avec Boris Alestchenkoff, Pierre-Yves Chapalain, Anne Dupagne, Guillaume Gilliet, Christophe Hanon, Philippe Richard, Philippe Rodriguez-Jorda
    Compagnie trois six trente

    adaptation Bérangère Vantusso, Pierre-Yves Chapalain
    collaboration artistique et scénographique Marguerite Bordat
    lumière Jean-Yves Courcoux
    musique Arnaud Paquotte
    costumes Sara Bartesaghi-Gallo
    mouvements Stéfany Ganachaud
    marionnettes Marguerite Bordat, Einat Landais, Nathalie Régior, Carole Allemand, Cerise Guyon, Michel Ozeray
    perruques Nathalie Régior, Déborah Boucher

    production compagnie trois-six-trente, Le Théâtre du Nord – CDN Lille/Tourcoing/Nord-Pas de Calais, Théâtre Olympia – Centre dramatique régional de Tours, Scènes Vosges à Epinal, Théâtre de Sartrouville 
et des Yvelines – CDN, Le Festival d’Avignon, TJP, Centre Dramatique National d’Alsace – Strasbourg, FMTM – Le Festival mondial des théâtres de marionnettes de Charleville-Mézières, Le Théâtre Jean-Arp de Clamart, L’Hectare de Vendôme ; avec le soutien de la Spedidam / Résidence à la Maison du comédien Maria-Casarès / © I. Boccara

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    A savoir

     

    ENTRETIEN avec Sylvain Maurice

    Parlons de ta rencontre avec L’Institut Benjamenta et Robert Walser. Il y a quelques mois, tu étais dans un entre-deux de recherche, voire de crise. On en traverse tous. Pour ma part, j’y suis assez fréquemment confronté : je trouve le choix d’une œuvre comme la chose la plus terrible, la plus compliquée qui soit.
    B.V. :
    Non, c’est sûr parce qu’après on vit avec un texte pendant au minimum deux, parfois quatre ans. On a ensuite plus ou moins de plaisir à retrouver les œuvres. Par exemple, j’ai beaucoup de plaisir à retrouver Les Aveugles créés en 2008. Pour ce qui est du choix de L’Institut Benjamenta, on rejoint la question que tu posais tout à l’heure sur le côté social ou politique du Rêve d’Anna. Car en fait ça m’a beaucoup plu d’aborder cet aspect-là. Il fallait que je trouve le moyen de continuer dans cette voie, de ne pas être que dans la métaphysique, qui fait partie de moi, et de livrer un regard sur la société plus direct. Il me fallait trouver le contexte. Christine qui m’a parlé du travail des frères Quay, des jumeaux américains, qui ont fait des courts-métrages. Tu connais ?

    Oui, j’adore… Je trouve ça très angoissant par ailleurs.
    B.V. : Je ne les connaissais pas. J’ai découvert le long-métrage L’Institut Benjamenta, qui m’a tout de suite intéressée. Ça faisait six ou sept mois que je lisais des pièces de théâtre, des nouvelles, des romans. J’étais tellement focalisée sur le fait de trouver un texte, qu’à la fin je ne lisais qu’à moitié. Dès que je sentais que ça n’allait pas être ça, je ne perdais pas de temps. C’est terrible de se dire qu’on n’a pas de temps de perdre à lire une pièce.

    Même quand c’est un grand auteur ?
    B.V. : Oui. Je n’ose même pas te dire les livres que j’ai refermés. Pour L’Institut Benjamenta, c’est d’abord le sujet qui m’a intéressé, celui d’une micro-société, qui permet de parler d’une forme d’aliénation plus générale, celle qu’on vit dans nos vies, à plus ou moins grande échelle. Cette société est construite sur le fait qu’il y a des dominants et des dominés, qu’il faut dominer sans avoir l’air de dominer pour que tout se passe bien. Le contexte est parfait, ajouté à une langue très belle. Il y a une part onirique et fantastique - déjà présente dans Les Aveugles, qu’on a un peu poussé dans Le Rêve d’Anna avec la présence du taureau et des animaux. J’avais envie de continuer sur un réalisme, pas celui du quotidien, comme dans Violet, mais un réalisme qui porte une part de fantastique. Dans L’Institut Benjamenta, très vite on ne sait plus si cette école existe vraiment.

    Tu peux nous raconter l’histoire ?
    B.V. :
    C’est un institut de garçons, un endroit où l’on forme les futurs majordomes. Cet institut est tenu par le frère et la sœur Benjamenta. Elle, est la dernière enseignante, seule présence féminine, objet de tous les fantasmes des garçons de l’école. Et puis, arrive un personnage, que j’adore, qui s’appelle Jacob Von Gunten. En allemand, « gunten » est une contraction qui veut dire « le plus bas ». Ce Jacob possède quand même une particule, mais qui signifie Jacob du-plus-bas, Jacob du-moins-que-rien. Son arrivée dans l’institut est pour lui une forme de reconnaissance, une forme de renoncement philosophique. Il dit : « moi, je veux obéir. Plus on me fera obéir, plus je serai avili et plus je serai heureux. Je veux devenir un grand zéro plein, un ravissant zéro tout rond ». C’est très subversif sans en avoir l’air, sans révolutionner quoi que ce soit. Au contraire en disant qu’il va se plier à l’institution, il la va détruire, parce qu’elle n’a plus de raison d’être face à quelqu’un comme lui. Par ricochet, il va contaminer les autres.

    Pourquoi elle n’aurait plus lieu d’être ?
    B.V. :
    Parce que face à quelqu’un qui ne veut que ça, elle n’a plus lieu d’être, elle n’est plus un lieu de contrainte et de soumission. De plus, cela va générer de la réflexion chez chacun : le prêtre, ses collègues…

    Au lieu d’être dans la subversion par la révolte, il est dans la subversion par la soumission ?
    B.V. : Oui, c’est ça, avec un excès de soumission.

    Mais il la dépasse au fond, il la subvertit.
    B.V. :
    De ce personnage, je suis loin d’en avoir fait le tour. Il a quelque chose de christique. J’ai regardé récemment pour la première fois le film de Richard Attenborough sur la vie de Gandhi. Il y a quelque chose chez Jacob comme ça sauf que pour Gandhi, derrière cette position de soumission, il y a une révolution. Jacob Von Gunten, lui ne veut rien pour les autres, il veut juste pour lui. Je suis souvent fascinée par ces figures-là.

    C’est Bartleby en fait.
    B.V. :Absolument. Ce n’est pas de la naïveté, mais une forme d’innocence, d’un positionnement pour soi-même. Quand on est bien positionné, alors tout va bouger autour. Je crois beaucoup à cela. J’ai souvent fait des rencontres dans ma vie qui ont été déterminantes grâce à des gens qui n’ont pas rien voulu bouger chez moi.

    Sans dévoiler la fin de l’histoire, comment ça évolue ?
    B.V. : Ça se termine par l’effondrement. Pendant le roman, on assiste à l’effondrement de l’institut, un effondrement qui va vers une forme de libération. A la fin, la victime sera la sœur, qui va mourir de n’avoir jamais été aimée, de n’avoir jamais aimé. Et puis, vont rester le frère Benjamenta et Jacob, qui vont partir tous les deux vers le désert. Il y a une réflexion intéressante sur la figure du zéro parce que Jacob dit vouloir être un zéro tout rond. Un spécialiste de Walser explique que le zéro est une figure mathématique fondamentale, a priori ce n’est rien, mais en réalité tout est structuré autour de lui : il y a le plus, le moins, si tu multiplies par zéro, ça fait zéro… C’est une figure très puissante, alors que paradoxalement c’est le rien. Je trouve ça intéressant comme discours. Ça me donne envie de chercher.  [...]

    novembre 2015

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    La presse

     

    Une traversée étrange aux accents fantastiques, qui procure réellement la sensation d'avoir rêvé.
    Libération, Festival d'Avignon 2016

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