LiLeLaLoLu

Un abat-jour suspendu. Un vieux fauteuil. Une pile de livres. Ils entourent le Père Touff, qui nous reçoit dans son grand manteau bleu. Livre histoire, livre maison, livre cache-cache, livre à sons, livre mou ou à trous. Ils sont tous là, tranquilles et sages, souvent pleins de mystères. Bientôt, la lecture va commencer. Mais le Père Touff n’est pas au bout de ses peines : la souris Cabotine est au travail. Les livres, elle a une façon bien à elle de les lire. Elle les mange, elle les ronge, elle les triture. S’il l’attrape, elle finira séchée, aplatie et servira comme marque page… Une petite souris bien plate, qui laisse dépasser sa queue hors d’un livre permet de retrouver infailliblement l’endroit où la lecture s’est interrompue !

Les Butors

Avec leurs cervelles de piafs, les butors, oiseaux mystérieux des marais, se livrent à une parade amoureuse de haute voltige. Perchés sur un étrange manège inspiré des moulins à vent, nos deux drôles d’oiseaux se volent dans les plumes avec beaucoup d’humour au cours de rituels saugrenus. S’enchaînent préliminaires aériens insolites, danses décalées, envols vertigineux, équilibres funambulesques. C’est acrobatique et burlesque à souhait. Leur jeu clownesque donne un spectacle rafraîchissant à la recherche de l’oiseau rare, où la virtuosité technique côtoie l’insolite, le doux, la poésie.

25 ans de hip-hop

À l’occasion des 25 ans du festival Suresnes cités danse, le chorégraphe Farid Berki a créé un spectacle en forme de florilège, qui célèbre la danse hip-hop dans la variété de ses styles et retrace les évolutions qui ont marqué cet art chorégraphique. Quatorze femmes et hommes, trois générations de danseurs, nous conduisent dans cette traversée festive. Ils réinventent pour nous les figures les plus emblématiques et spectaculaires du hip-hop, et nous offrent également des tableaux intimistes explorant la source du mouvement, la décomposition du geste, l’improvisation. Le tout sur une bande-son allant de la funk aux musiques électroniques, de Bach au jazz orchestral, des chants d’Afrique noire aux percussions orientales.

Fatoumata Diawara

Des dreadlocks comme emblème spirituel, une tenue empruntant aux styles massaïs et zoulous, un chant digne héritier de la tradition du wassoulou au Mali: Fatoumata Diawara défend avec ferveur son africanité. Ce qui ne l’empêche pas de cultiver les chemins de l’expérimentation au contact des inspirations folk, soul ou pop. Après Fatou, album intime où elle évoquait ses blessures d’enfance, Fenfo est le fruit d’une harmonie retrouvée. Sur le disque, l’artiste invite Matthieu Chedid (après leur collaboration sur Lamomali), le violoncelliste Vincent Segal, et pose ses accords de guitare sur des percussions africaines et les sonorités ancestrales d’une kora. Avec force et douceur, celle qui crevait l’écran dans le film Timbuktu nous rappelle, par sa présence scénique solaire, que la chanson reste son plus grand amour.

Mémoire de fille

Durant l’été 1958, Annie D. a vécu sa première nuit d’amour avec un homme. Cinquante ans plus tard, l’écrivaine qu’elle est devenue, Annie E., interroge la jeune femme qu’elle était et explore les transformations profondes que cette expérience a inscrites en elle. Avec Mémoire de fille, Cécile Backès plonge avec une douceur infinie dans l’écriture belle et abrupte du dernier livre d’Annie Ernaux. La metteure en scène transpose ce récit autobiographique dans un théâtre de l’intime, où s’enchevêtrent les temps et les paysages de la mémoire. Six comédiens, dont deux interprètent les figures d’Annie E. et Annie D., nous conduisent avec délicatesse dans cette traversée intérieure.

Festen

Le spectacle de Cyril Teste s’inscrit entre théâtre et cinéma. D’une maîtrise époustouflante, il raconte, sur un rythme soutenu, une histoire tapie sous le silence mais qu’un jeune homme décide d’exhumer au grand jour. Réunie pour célébrer l’anniversaire d’un patriarche, voici une famille bourgeoise en apparence parfaite. Mais de révélations en règlements de compte, la fête promise tourne court et les secrets qui fusent glacent le sang. Les interprètes sont tendus comme des arcs, proches de l’explosion, habités par un texte dont la puissance est comparable aux œuvres de Strinberg, Ibsen ou Bergman.

Suzy Storck

D’un texte en forme d’uppercut qui trace le portrait d’une femme ordinaire, Jean-Pierre Baro a tiré un spectacle coup de poing en forme de tragédie moderne. Suzy Storck s’épuise dans un quotidien qui la mine. Entre un mari indifférent et des enfants qu’elle n’est plus sûre d’aimer, quelle place lui reste-t-il pour être heureuse ? À force de silence et de résignation, elle sombre et lorsqu’elle se réveille, le drame est là. Il guette au seuil de la porte, prêt à frapper. Ce spectacle haletant nous propulse dans la tête de Suzy, là où gronde l’orage. L’ombre de Médée n’est pas loin… Assis tout autour de la cuisine familiale, les spectateurs, sidérés, voient la tragédie à l’œuvre. Ils sont loin, pourtant, d’imaginer sa conclusion.

Iliade et Odyssée

Pauline Bayle déborde de créativité. Elle traverse au pas de charge les deux récits épiques d’Homère: l’Iliade et l’Odyssée pour en livrer un diptyque puissant. On plonge d’abord dans la guerre qui oppose les Grecs aux Troyens. Puis on suit le périple d’Ulysse, combattant valeureux qui n’aspire qu’à rentrer chez lui. Les séquences sont emmenées par cinq acteurs qui passent de rôle en rôle avec une fougue contagieuse, d’Achille à Hector, d’Hélène à Andromaque. Mieux qu’une série à épisodes, ce théâtre joyeux et combatif, sportif et charnel, est l’occasion de revenir à la source de notre humanité.

Esquif

18 musiciens soufflant dans leurs instruments, en équilibre sur un madrier soutenu par une bouteille de gaz… : cette scène spectaculaire et onirique est à l’image des nombreuses visions qui se succèdent dans ce spectacle. Le goût du risque y est tant musical qu’acrobatique. Le Surnatural Orchestra invite trois membres du Cirque Inextremiste – compagnie qui nous avait enchantés avec Extrêmités en 2014 – et une funambule de la compagnie Basinga. Sur le plateau se tissent les rencontres impromptues entre cette fanfare, l’homme-diabolo, la danseuse de fil, le clown… Ensemble ils composent une ode à l’aventure collective et à la solidarité, dont l’audace renforce la beauté. Une proposition à ne pas rater

Carmen(s)

Elle est la bohémienne, l’amoureuse passionnée, l’insoumise préférant mourir plutôt que de renoncer à sa liberté : la figure de Carmen porte en elle une force qui nous parle encore aujourd’hui. José Montalvo s’empare de ce mythe universel pour lui offrir une vitalité et une profondeur nouvelles, dans un métissage de couleurs et d’esthétiques dont il a le secret. La danse contemporaine y croise le flamenco et le break dance. Le chant moderne et les intermèdes parlés s’y mêlent sans complexe avec la musique de Bizet. Quant aux images, jaillissant à profusion sur scène et sur grand écran, elles semblent démultiplier les 16 interprètes en autant d’identités, de cultures et d’expressions du désir. De ce ballet bouillonnant on ressort avec l’envie de s’écrier : Carmen, c’est moi !